Une déformation bénéfique pour les cellules à pérovskites
L’énergie solaire est l’une des solutions les plus prometteuses pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Mais augmenter l’efficacité des panneaux solaires est un défi permanent. Les cellules photovoltaïques à pérovskites (PSC) ont changé la donne, en apportant des améliorations rapides en termes d’efficacité et un potentiel de fabrication à faible coût. Cependant, elles présentent toujours des pertes d’énergie et des problèmes de stabilité opérationnelle.
Le défi posé par les pérovskites à large bande interdite
Les cellules photovoltaïques à pérovskites, en particulier celles utilisées dans des configurations en tandem, reposent sur des matériaux à large bande interdite (WBG) – des semi-conducteurs qui absorbent la lumière à plus haute énergie («bleue») tout en laissant passer la lumière à plus basse énergie (rouge) – pour maximiser leur efficacité. Cependant, les formulations de pérovskites à large bande interdite subissent souvent une ségrégation de phases, où différents composants se séparent au fil du temps, ce qui entraîne une baisse des performances.
Une solution consiste à ajouter du rubidium (Rb) pour stabiliser les matériaux WBG, mais il y a un hic: le rubidium a tendance à former des phases secondaires indésirables, ce qui réduit son efficacité à stabiliser la structure des pérovskites.
La solution de l’EPFL: la déformation
Des scientifiques sous la houlette de Lukas Pfeifer et Likai Zheng dans l’équipe de Michael Grätzel de l’EPFL ont désormais trouvé un moyen de forcer le rubidium à rester là où il est nécessaire. En utilisant la «déformation de réseau» du film de pérovskite, ils ont réussi à incorporer des ions Rb dans la structure, ce qui a empêché la ségrégation de phases indésirables. Cette nouvelle approche stabilise non seulement le matériau WBG, mais améliore également son efficacité énergétique en réduisant au minimum la recombinaison non radiative des porteurs de charge, un facteur clé de perte d’énergie.
Les chercheuses et chercheurs ont utilisé la déformation de réseau, c’est-à-dire une distorsion contrôlée de la structure atomique, pour maintenir le rubidium bloqué dans le réseau de pérovskites. Pour y parvenir, ils ont peaufiné la composition chimique et ajusté avec précision le processus de chauffage et de refroidissement. Un chauffage rapide suivi d’un refroidissement contrôlé induisait une déformation, ce qui a empêché le rubidium de former des phases secondaires indésirables et a permis de s’assurer qu’il reste intégré dans la structure.
Vérification et ajustement de l’approche
Afin de confirmer et de comprendre cet effet, l’équipe a utilisé la diffraction des rayons X pour analyser les changements structurels, la résonance magnétique nucléaire à l’état solide pour suivre la position atomique du rubidium et la modélisation informatique pour simuler l’interaction des atomes dans différentes conditions. Ces techniques ont fourni une représentation détaillée de la façon dont la déformation stabilisait l’incorporation du rubidium.
Outre la déformation de réseau, les scientifiques ont également découvert que l’introduction d’ions chlorure est essentielle pour stabiliser le réseau en compensant les différences de taille entre les éléments incorporés. Cela a permis d’obtenir une répartition plus uniforme des ions, de réduire les défauts et d’améliorer la stabilité globale du matériau.
Le résultat? Un matériau plus uniforme avec moins de défauts et une structure électronique plus stable. La nouvelle composition de pérovskites, renforcée par du rubidium stabilisé par déformation, a atteint une tension en circuit ouvert de 1,30 V, soit 93,5 % de sa limite théorique. Il s’agit de l’une des pertes d’énergie les plus faibles jamais enregistrées dans les pérovskites WBG. De plus, le matériau modifié a montré une amélioration du rendement quantique de photoluminescence (PLQY), ce qui indique que la lumière du soleil est convertie plus efficacement en électricité.
Impact sur les énergies renouvelables
La réduction des pertes d’énergie dans les cellules photovoltaïques à pérovskites pourrait aboutir à des panneaux solaires plus efficaces et plus rentables. Cela est particulièrement important pour les cellules solaires en tandem, où les pérovskites sont associées au silicium pour maximiser leur efficacité.
Les résultats ont également des implications au-delà des panneaux solaires. Les pérovskites sont à l’étude pour les LED, les capteurs et d’autres applications optoélectroniques. En stabilisant les pérovskites WBG, les recherches de l’EPFL pourraient contribuer à accélérer la commercialisation de ces technologies.