Un nouveau laboratoire de l'Empa pour libérer le potentiel quantique du carbone
Des technologies quantiques sûres, performantes et durables à base de carbone – telle est la vision du projet «CarboQuant». Avec le soutien de la Fondation Werner Siemens et du Fonds national suisse (FNS), les chercheurs de l'Empa sont sur la piste des effets quantiques dans les nanostructures de carbone. Dans le cadre d'une première étape, un nouveau laboratoire high-tech a été inauguré le 30 janvier 2025 à l'Empa.
Les recherches menées dans ce nouveau laboratoire portent principalement sur les nano-graphènes et les nano-bandes de carbone : des pièces de quelques atomes de graphène, un matériau carboné bidimensionnel. Ces molécules particulières ont été synthétisées il y a quelques années seulement, beaucoup d'entre elles dans le laboratoire «nanotech@surfaces» de l'Empa. Leur structure peut être définie à l'atome près, ce qui permet d'ajuster différents effets quantiques. Les chercheurs de l'Empa veulent utiliser de tels nano-graphènes pour fabriquer de nouveaux capteurs, des technologies de communication ou des composants pour ordinateurs quantiques.
Contrôler le magnétisme quantique
Deux microscopes à effet tunnel à balayage ultramodernes constituent le cœur du nouveau laboratoire «CarboQuant». La microscopie à effet tunnel – inventée en Suisse au début des années 1980 – utilise le courant électrique et la physique quantique pour visualiser des atomes individuels. Grâce aux nouveaux appareils, les chercheurs de l'Empa peuvent non seulement voir leurs nanomolécules de graphène, mais aussi contrôler leurs états quantiques. Le rayonnement micro-ondes à haute fréquence permet de manipuler les spins individuels – une sorte de magnétisme quantique que possèdent les électrons et d'autres particules et qui peut également se manifester dans certains nano-graphènes.
Le spin est considéré comme une propriété physique particulièrement prometteuse pour les ordinateurs quantiques et d'autres technologies. Dans le cas le plus simple, il a deux états de base, «up» et «down» – un peu comme un bit informatique classique qui peut être 1 ou 0. La différence essentielle : les effets quantiques permettent une superposition des deux états, de sorte que le spin peut prendre n'importe quelle combinaison de «up» et de «down». C'est cette ambiguïté qui devrait rendre les ordinateurs quantiques et les autres technologies basées sur les quanta si puissants – si nous parvenons à les comprendre et à les contrôler.
Comprendre et mettre en pratique
C'est exactement ce que les chercheurs de l'Empa veulent faire dans le nouveau laboratoire «CarboQuant». Ils se placent ainsi à l'avant-garde de la science. «La microscopie à balayage à effet tunnel avec résonance de spin électronique n'a été utilisée que ces dix dernières années pour la manipulation des spins, et ce le plus souvent pour des atomes isolés», explique Roman Fasel, codirecteur de «CarboQuant» et responsable du laboratoire «nanotech@surfaces».
Pour appliquer pour la première fois cette nouvelle technologie aux nano-graphènes, l'équipe de «CarboQuant» a pu s'attacher les services de l'une des rares expertes au monde: Yujeong Bae, chercheuse sud-coréenne. Elle prend la direction du nouveau groupe de recherche de l'Empa sur le magnétisme quantique. «En combinant les technologies des micro-ondes avec la microscopie à effet tunnel à balayage, nous pouvons détecter et contrôler chaque état de superposition de spins de manière cohérente. Ce contrôle cohérent est un élément central des technologies quantiques. Nous voulons maintenant démontrer ce contrôle quantique pour la première fois sur des nano-graphènes», explique la chercheuse.
Le travail avec des matériaux à base de carbone apporte ici un avantage décisif: «Là où les atomes individuels ne possèdent qu'un seul spin, il est possible de créer plusieurs spins liés avec les nano-graphènes», explique Yujeong Bae. Faire «communiquer» plusieurs spins entre eux est une étape décisive sur la voie des technologies quantiques fonctionnelles – après tout, un seul bit ne fait pas encore un ordinateur.
Pour cela, il faut encore les deux constructions en acier inoxydable du laboratoire avec leurs chambres à ultravide, leurs puissants champs magnétiques et leurs réservoirs d'hélium qui les refroidissent presque jusqu'au zéro absolu. «A long terme, nous voulons disposer d'appareils à base quantique qui, en dehors de ces machines high-tech, fonctionneront peut-être même à température ambiante, par exemple pour des effets optiques», explique Oliver Gröning, codirecteur de «CarboQuant» et directeur adjoint du laboratoire «nanotech@surfaces».
Mais il faut d'abord comprendre les effets quantiques et apprendre à les contrôler. Le premier objectif du projet est donc de créer une plateforme de matériaux, une sorte de boîte à outils, pour la recherche sur les matériaux quantiques à base de carbone et leurs propriétés. Avec l'ouverture du nouveau laboratoire, les chercheurs ont fait un grand pas vers cet objectif.
«CarboQuant»
Le projet de recherche de l'Empa «CarboQuant» se concentre sur le développement de nanostructures de carbone avec des effets quantiques contrôlés avec précision pour une utilisation dans des composants électroniques fonctionnant à température ambiante. L'objectif est de mettre en place une plateforme technologique et d'affiner les méthodes de caractérisation afin de faire progresser la compréhension fondamentale et la mise en œuvre pratique de ces nanomatériaux. Le projet «CarboQuant» s'étend de 2022 à 2032 et est soutenu par la Fondation Werner Siemens.