L'astuce du virus du COVID-19 pour être plus infectieux

Des scientifiques de l’EPFL ont découvert que le SARS-CoV-2, le virus responsable du COVID-19, adoptait une stratégie astucieuse pour augmenter son infectivité.
© EPFL/Naeblys (iStock)

Identifié pour la première fois fin 2019, le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 s’est depuis propagé dans le monde entier, entraînant la pandémie de COVID-19 qui a touché des millions de personnes. Alors que les pays doivent faire face aux conséquences sanitaires, sociales et économiques, les scientifiques du monde entier travaillent sans relâche pour mieux comprendre le virus et mettre au point des traitements et des vaccins efficaces.

Dans une récente étude, des chercheuses et chercheurs de l’EPFL ont révélé l’existence d’un nouveau mécanisme avec lequel le SARS-CoV-2 augmente son infectivité. Cette étude porte sur la fameuse protéine Spike du virus, qui lui permet de pénétrer dans les cellules humaines et de les infecter.

Publiée dans la revue Nature Communications, cette recherche a été menée par Francisco S. Mesquita et Laurence Abrami de l’équipe de Gisou van der Groot de la Faculté des sciences de la vie de l’EPFL.

Lorsqu’il infecte un hôte, le SARS-CoV-2 manipule son fonctionnement cellulaire pour modifier une enzyme qui renforce la capacité de la protéine Spike à envahir d’autres cellules. Cette enzyme, abrégée en ZDHHC20, marque normalement les protéines avec une petite molécule graisseuse qui modifie leur fonctionnement.

Mais lors de l’infection, le virus prend le contrôle de l’enzyme ZDHHC20. «Dans nos précédents travaux, nous avons découvert l’enzyme qui modifie la protéine Spike du SARS-CoV-2, en y ajoutant des lipides, ce qui est essentiel pour que le virus fusionne avec les cellules cibles, déclare Gisou van der Goot. Aujourd’hui, nous montrons que le virus déclenche en fait une optimisation de l’enzyme en induisant un changement de la transcription de son gène.»

En analysant les effets du SARS-CoV-2 sur le gène (zdhhc20), les chercheuses et chercheurs ont remarqué que le virus déclenche un changement de son site de départ transcriptionnel, c’est-à-dire la partie d’un gène où commence le processus de «lecture» pour le transformer en protéine.

En étudiant des cellules en laboratoire et des organismes vivants, ils ont confirmé que ce «changement de transcription» produit une enzyme avec 67 acides aminés supplémentaires. C’est suffisant pour multiplier par 37 son activité d’ajout de lipides sur la protéine Spike, ce qui entraîne une forte augmentation de l’infectivité virale.

L’équipe a également utilisé le marquage métabolique, le Western blot et l’immunofluorescence pour visualiser et quantifier les protéines, et obtenir une vue d’ensemble de la stratégie de manipulation du virus.

Image par microscopie cryoélectronique de suspensions de virions SARS-CoV-2 concentrées et fixées au PFA. Crédit: laboratoire de Gisou van der Goot et D. Demurtas (plateforme BioEM de l’EPFL).

Image par microscopie cryoélectronique de suspensions de virions SARS-CoV-2 concentrées et fixées au PFA. Crédit: laboratoire de Gisou van der Goot et D. Demurtas (plateforme BioEM de l’EPFL).

En poussant leurs recherches, les chercheuses et chercheurs ont découvert que ce changement de site de départ transcriptionnel des gènes semble être quelque chose que les cellules font normalement en réponse à des stress ou à des difficultés – dans le cas de l’étude, une colite induite chimiquement. Cela signifie que le SARS-CoV-2 détourne une voie préexistante de réponse aux dommages cellulaires pour générer des virus plus infectieux.

Cette découverte met en évidence la stratégie utilisée par le SARS-CoV-2 pour renforcer son infectivité, offrant ainsi un modèle pour des traitements potentiels, et suggère que d’autres virus pourraient utiliser des stratégies similaires de cooptation des défenses de l’hôte. Par ailleurs, les résultats indiquent que la réponse cellulaire utilisée par le virus pourrait être une réaction générale à divers stress, ce qui élargit les conclusions de l’étude au-delà de l’infection virale.