Un aspect de la recherche sur la schizophrénie remis en question
La schizophrénie est un trouble mental qui altère la capacité d’une personne à penser, à ressentir et à se comporter, lui donnant souvent l’impression d’avoir «perdu le contact avec la réalité». Bien que nous ne connaissions pas les causes exactes de la schizophrénie, les scientifiques pensent qu’elle peut provenir d’une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux, et de problèmes impliquant la chimie et la structure du cerveau.
Pourtant, la plupart des chercheuses et chercheurs dans ce domaine ont tendance à se focaliser sur un seul paradigme, qui leur permet d’établir des différences nettes entre les personnes présentant des symptômes de schizophrénie («patient(e)s») et celles qui n’en présentent pas («témoins»). Les chercheuses et chercheurs tentent de découvrir les mécanismes génétiques, neurophysiologiques et cognitifs qui pourraient expliquer les anomalies chez les patient(e)s schizophrènes dans ce paradigme spécifique. C’est ce qu’on considère comme une approche approfondie pour comprendre la schizophrénie.
«Dans de nombreux paradigmes expérimentaux, les différences entre patient(e)s et témoins produisent de grands effets», explique le professeur Michael Herzog de la Faculté des sciences de la vie de l’EPFL. «Cela montre que les expériences identifient d’importants aspects de la schizophrénie, mais cela soulève également deux questions: qu’ont en commun ces anomalies et dans quelle mesure sont-elles représentatives de la maladie?»
Un outil fréquemment utilisé dans la recherche est l’électroencéphalogramme ou EEG. Les chercheuses et chercheurs comparent l’activité électrique du cerveau entre des patient(e)s et des témoins. Cette approche met généralement en évidence des différences nettes entre les patient(e)s et les témoins, par exemple en termes d’amplitude du signal EEG.
Dans une récente étude, Michael Herzog et son équipe ont remis en question le paradigme standard en analysant les EEG au repos de 121 patient(e)s schizophrènes et de 75 témoins. À l’aide de plusieurs méthodes de traitement du signal, les scientifiques ont extrait un total de 194 caractéristiques EEG.
«69 caractéristiques EEG sur 194 ont montré une différence significative entre les patient(e)s et les témoins, ce qui indique que ces caractéristiques identifient un aspect important de la schizophrénie», poursuit Michael Herzog. «Mais étonnamment, les corrélations entre ces caractéristiques EEG étaient très faibles.»
Il n’y a pas une seule interprétation de cette découverte sans précédent. «L’une des interprétations possibles est que toutes les caractéristiques EEG reprennent un aspect différent de la maladie, ce qui montre vraiment l’hétérogénéité de la schizophrénie», précise Michael Herzog.
L’étude aborde plusieurs autres explications et les auteurs suggèrent que des approches d’enracinement «profond» et «superficiel» pourraient conjointement permettre de comprendre les mécanismes sous-jacents du trouble. «Si la maladie est vraiment hétérogène, nous ne pouvons pas nous concentrer sur un seul paradigme, mais nous avons besoin de batteries de tests et de méthodes d’analyse complexes», explique Dario Gordillo, un des deux principaux auteurs de l’étude.
«Au-delà de la recherche sur la schizophrénie, nos résultats révèlent que des différences expérimentales et entre groupes significatives peuvent nous en apprendre beaucoup moins que ce que l’on croit habituellement», affirme Michael Herzog. «Même des résultats significatifs avec de grands effets peuvent nous en apprendre moins que ce que la plupart des gens croient.»