Plus vite vers l’hydrogène vert
L’acidité est un défi. Lorsqu’on utilise un catalyseur bon marché comme le cobalt pour fabriquer de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, le processus est moins performant si le milieu avec lequel on travaille est acide, et plus efficace si ce dernier est alcalin. Des scientifiques de l’Institut Paul Scherrer PSI viennent de découvrir pourquoi: la surface du catalyseur se modifie suivant le pH du milieu qui l’environne. Leur étude est parue dans la revue spécialisée Nature Chemistry. Elle fournit d’importantes indications qui pourraient permettre, à l’avenir, de produire l’hydrogène nécessaire au tournant énergétique de manière efficace et à moindre prix.
L’électrolyse est la méthode la plus simple et la plus écologique pour fabriquer de l’hydrogène: elle consiste à utiliser du courant électrique pour décomposer l’eau (H2O) en hydrogène (H2) et en oxygène (O2). L’oxygène apparaît au pôle positif (anode), et l’hydrogène au pôle négatif (cathode). Ce craquage de l’eau peut être réalisé aussi bien en milieu alcalin (pH>7), acide (pH<7) ainsi que neutre (pH=7). Différents types d’électrolyseurs travaillent à différents pH, autrement dit dans différents milieux.
Lors du craquage de l’eau, l’étape qui a le plus besoin d’énergie est la formation d’oxygène: il s’agit pour ainsi dire du goulot d’étranglement de la réaction. Pour rendre cette étape aussi efficace et bon marché que possible, on utilise les catalyseurs, par exemple un métal comme le cobalt. Mais l’électrolyse au cobalt fonctionne uniquement en milieu alcalin de manière satisfaisante; jusqu’à récemment, on ignorait pour quelle raison.
Un groupe de recherche au Centre des Sciences de l’énergie et de l’environnement du PSI, vient de découvrir la raison de ce phénomène: suivant le pH, le catalyseur modifie sa surface. En milieu acide, les sites actifs où l’oxygène peut se former ont besoin de davantage d’énergie pour se constituer. En conséquence, l’électrolyse ralentit et devient peu rentable. «Nous supposons que cela ne concerne pas uniquement le cobalt, mais aussi d’autres métaux qui fonctionnent également moins bien en milieu acide, comme le manganèse, le fer et le nickel», explique Jinzhen Huang, post-doctorant dans le groupe de recherche d’Emiliana Fabbri et Thomas Schmidt ainsi que premier auteur de l’étude.
Le cobalt: une alternative peu coûteuse
Actuellement, les catalyseurs utilisés pour le craquage de l’eau sont, pour la plupart, des métaux précieux comme l’iridium et le ruthénium. Leur activité varie peu, quel que soit le pH. Ils fonctionnent donc bien également en milieu acide. Cependant, le cobalt et d’autres métaux dits de transition sont nettement moins coûteux et davantage disponibles dans la nature, ce qui les rend particulièrement attrayants pour des applications industrielles. «Mais remplacer les métaux précieux par du cobalt et d’autres métaux bon marché reste un gros défi, relève Emiliana Fabbri. Les connaissances que nous avons mises en évidence représentent des étapes importantes pour y arriver.»
Les scientifiques du PSI ont examiné en détail, et avec différentes méthodes, la formation d’oxygène pendant l’électrolyse. Pour ce faire, les scientifiques ont notamment exploité la lumière de type rayons X spéciale de la Source de Lumière Suisse SLS. Ils ont utilisé des nanoparticules d’oxyde de cobalt comme catalyseur. Celles-ci étaient intégrées à l'anode, c’est-à-dire à la partie de l’appareillage où se forme l’oxygène.
Tout se joue au niveau de la surface
Comme le montrent les mesures qu’ont réalisé les scientifiques du PSI, une couche de composés d’oxygène et d’hydrogène se forme à la surface du catalyseur au cobalt et s’épaissit au cours de l’électrolyse. C’est sur cette nouvelle surface que les réactions se produisent ensuite pendant l’électrolyse. «Dans un environnement neutre ou acide, ces couches catalytiques se forment soit à une vitesse réduite, soit moyennant un apport d’énergie plus important, explique Jinzhen Huang. C’est la raison pour laquelle la réaction globale a besoin de davantage d’énergie pour se dérouler et qu’elle est plus lente que dans un milieu alcalin.»
Avec son étude, l’équipe emmenée par Emiliana Fabbri résout donc une énigme qui occupait le monde scientifique depuis longtemps déjà. Ces connaissances peuvent contribuer à une meilleure compréhension du processus de l’électrolyse et à l’amélioration future de son efficacité. Un autre concept de catalyseur pourrait permettre de rendre la réaction économiquement plus rentable.